Les fourmis

Depuis quelques mois, les micro-pousses donnent de moins en moins. J’ai beau faire la même chose, je n’ai rien changé, et pourtant, une pourriture discrète envahit chaque plateau de tournesol, et il faut que j’en jette, à chaque récolte, de plus en plus. A ce rythme là, je ne gagnerai bientôt plus ma vie. Si ce problème persiste, je devrai arrêter.

alors j’ai cherché une solution. J’ai tout essayé. J’ai changé les déshumidificateurs, j’ai arrosé plus, j’ai arrosé moins, j’ai changé les graines, j’ai changé le substrat. J’ai changé les ventilateurs. J’ai ajouté de la lumière. Rien n’a changé. J’ai mesuré l’humidité, la concentration en CO2 dans l’air, les lumens.  Finalement, la semaine dernière, j’ai refait toutes les étagères en bois à neuf.

Chez les êtres humains, une bonne condition dépend de deux choses: une bonne santé, et l’absence de parasite. Si vous êtes en bonne santé, que vous mangez bien, que vous dormez assez, que vous faites du sport, vous aurez moins de parasites, mais si vous tombez sur le mauvais parasite, vous pourrez faire ce que vous voudrez, vous serez en mauvaise santé. 

Chez les plantes, c’est pareil. Je trouve que c’est un domaine  ou l’on néglige la santé au profit de la lutte contre les parasites. Dans les livres de jardinage, on trouve beaucoup d’astuces pour préparer telle ou telle potion, purin, préparation, remède, censé avoir des vertus ou éloigner les parasites. Pourtant, comme chez nous, il serait beaucoup plus efficace de chercher à améliorer la santé des plantes en les nourrissant mieux.. C’est une chose que les vrais jardiniers connaissent bien, parce qu’ils ont tous été témoin d’une situation ou une plante en bonne santé est négligée par les limaces et les pucerons, tandis que celles alentours, en mauvaise santé, vont se faire attaquer.

J’ai cette philosophie avec mes micro-pousses. Je me suis souvent rendu compte que si elles sont dans de bonnes conditions, elles ne sont embêtées par aucun parasite. Je me suis donc concentré sur ces conditions. Et c’est pour cela que je ne me suis pas aperçu que le vrai problème, c’étaient les fourmis.

Le bois, dans la serre, prend assez rapidement sa teinte brune d’un vieux bois. C’est un environnement intense, plein de lumière, de chaleur, d’eau. Quand j’ai changé les étagères, la semaine dernière, les planches étaient de sapin tout neuf, et presque blanc. Elles me sont donc apparues, noires sur blanc.: Les fourmis ! Elles ne sont pas nombreuses (une cinquantaine, peut-être moins), mais elles se promènent, et elles sont industrieuses. Jour et nuit, elles passent de pousse en pousse, elles grignotent, elles découpent, elles abîment.

Je m’étais trop concentré sur les conditions, et j’avais oublié de surveiller les parasites. Oui, certains sont plus forts que la santé. Les rongeurs, les fourmis. J’ai fabriqué des étagères spéciales anti-fourmis. Je vais les affamer, et je pourrai alors à nouveau vous nourrir correctement !