La banlieue c’est glauque

J’ai grandi en banlieue dortoir. Pour faire des courses, pour les loisirs, on allait soit en ville, soit au centre commercial. Quand j’étais ado, on ne pouvait pas toujours y aller, alors on se retrouvait entre potes, dans des coins, sur des bancs, dans des parcs de jeux pour enfants, entre deux immeubles. C’était glauque.

Aujourd’hui, après un passage au centre-ville et un passage à la campagne, je suis de retour en banlieue. J’y ai acheté ma maison. J’y vis avec ma femme et mes deux enfants. Cela n’a pas changé. On y sent encore cette atmosphère: Chacun chez soi, tourné vers le centre-ville et le centre-commercial. Il y a peu de rencontres et il y a peu d’échanges.

Mais les choses changent. Maintenant, je travaille chez moi. Je produis mes pousses, mes fleurs, mes légumes, chez moi, en banlieue. Quand je ne travaille pas, je regarde autour de moi, je regarde les gens passer. Je vois que nous sommes de plus en plus nombreux à travailler là, chez nous.

Et chez nous, je me lance dans un grand projet. Au cœur du quartier, il y a huit hectares de champs, et ceux-ci sont voués, à long ou à moyen terme, à être urbanisés. Moi, je propose d’y installer une ferme polyculturelle: Des arbres, des légumes, des fleurs, de l’élevage.

Avant, la banlieue, c’était nul, ça ne servait à rien d’autre qu’à dormir. Quoi de moins cool de la banlieue ? Mais maintenant, ça va changer. La banlieue va se construire autrement au 21ème siècle. Il n’y a pas de raison qu’elle soit juste un ensemble d’habitations. Elle sera aussi lieu de travail, lieu de rencontre, lieu de culture, et lieu d’agriculture.

Mes enfants vont grandir en banlieue, comme moi. Quand ils seront ados, je veux qu’ils retrouvent leurs potes au café du coin, dans une salle de concert, sur une place fréquentée, à deux pas de chez eux. Je veux aussi qu’ils y travaillent : chez le voisin fleuriste, chez le community manager, chez le boulanger, chez le data scientist, chez le jardinier.

Cette banlieue, je veux qu’elle soit un carrefour de rencontres, d’opportunités, de cultures.

Cette banlieue, je veux qu’elle soit moins dense et qu’elle soit complète. Je veux qu’on puisse y faire ses courses, son sport, aller voir son concert, son expo, boire un verre, danser, prier, manger, et surtout, je veux qu’on puisse aller y chercher ses fruits, ses fleurs, ses légumes, en direct du maraicher. La banlieue n’a pas dit son dernier mot.