J’ai échoué

La semaine dernière, je n’ai pas envoyé de newsletter. J’étais très occupé. J’ai déménagé, j’avais beaucoup de paperasse en retard, j’avais des bulbes à planter: Je n’ai pas trouvé le temps, je n’ai trouvé que des excuses. C’est un échec. Au mois de septembre, je me suis promis d’écrire une newsletter par semaine. Je m’y étais tenu jusque là.

En 2023, je suis retourné à Bruxelles. J’y ai vécu, il y a presque vingt ans, pendant juste une année. J’y ai suivi une compagne de jadis et j’y ai fait le service dans un restaurant, près du parlement européen. J’ai fini par rompre avec la compagne et avec le restaurant, et à retourner à Strasbourg. Cette année, j’y ai passé un weekend, et j’ai retrouvé les traces de mes souvenirs. Sur la terrasse d’un café de la place du Jeu de Balle, j’ai rouvert mes vieux emails.

Ce qui m’a surpris, en relisant les conversations du passé, c’est à quel point j’étais toujours le même. Je m’attendais à un changement, de profondeur sinon de style, mais je dois avouer que je ne l’ai pas trouvé. Sauf sur un point: Autrefois, j’étais dans l’abandon perpétuel.

Message après message, le thème récurrent de l’abandon apparaissait. J’étais dans le doute concernant ma relation, mon travail, mon futur. Je ne parlais que de changer, de partir, de tout quitter pour un hypothétique meilleur.

Aujourd’hui, j’ai changé. J’ai une famille, j’ai un travail. J’ai un ancrage dans ma ville et dans mon quartier. J’ai des responsabilités. Ce changement s’est fait chez moi avec le temps passé dans le jardin.

Au contact des plantes, quand on s’en occupe et qu’on en est responsable, on apprend à continuer. On découvre, avec la lenteur qui est propre au végétal, que les fruits de la persévérance méritent qu’on patiente. Le temps que met une plante à s’enraciner, à commencer, à s’implanter, est parfois désespérant. Mais à un moment, quand elle est prête, quand les conditions sont réunies, quand la fertilité, la chaleur, la lumière, les racines, les premières feuilles sont là, la plante s’épanouit. Comparé aux lassantes premières semaines, l’épanouissement ressemble à une explosion. Le végétal peut devenir énorme et porter des fruits aberrants. C’est le produit de la patience et des effets cumulés.

Et c’est important. La vie change quand on a compris cela. Il faut savoir patienter. Il faut savoir attendre de récolter les fruits, au lieu de s’en aller planter autre chose ailleurs.

C’est pour cela que je n’abandonne pas l’écriture de ma newsletter. Un seul faux pas ne suffit pas à justifier l’arrêt complet de ce projet. Il y vingt ans, à Bruxelles, j’aurais décidé que cet échec dans ma régularité aurait été une raison suffisante pour passer à autre chose. Aujourd’hui, je sais que j’aurais eu tort.

Persévérez, et vous pourrez soulever des montagnes.