J’aime exploiter.

Il existe une guerre des appellations pour les agriculteurs.

Officiellement, je suis un exploitant agricole. Certains critiquent le terme d’exploitant et lui préfèrent le terme de producteur.

Cela vient sans doute de l’idée que l’exploitant profite sans donner en retour, alors que le producteur fait quelque chose de productif, de bénéfique.

Pourtant, comme l’a dit Lavoisier, “Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme”.

En fait, on ne peut pas produire au sens propre du terme. On peut gérer des plantes, qui vont utiliser l’énergie du soleil avec la photosynthèse et récupérer l’eau du sol par capillarité, ce qui permet à la plante d’extraire les ressources minérales du sol, de miner l’azote, le phosphore, le potassium, le calcium, le soufre et de se construire… pour être consommé par un animal ou un champignon.

Tous ces mots: gérer, utiliser, récupérer, extraire, miner, consommer… sont des mots qui sous-entendent l’utilisation d’une ressource préexistante. Rien n’est créé de toute pièce. On ne produit rien, on utilise quelque chose qui était déjà là avant. On exploite.

Alors pourquoi je serais un producteur si je ne produis rien ?

Je ne peux pas absorber l’eau du sol et glaner les minéraux. Je ne peux pas prendre l’énergie du soleil et construire des molécules de glucose à partir de dioxyde de carbone et d’eau. Je ne peux pas faire fleurir un rudbeckia ou germer une graine de poivron.

Tout ce que je peux faire, c’est prendre des plantes, des graines, de l’eau, de l’ombre et de la lumière, et les mettre au bon endroit, au bon moment. Je peux m’en occuper, je peux les soigner, je peux les protéger, je peux les aimer et les respecter.

Ce sont des verbes que j’aime. Soigner, s’occuper de, protéger, aimer, respecter.

Justement, tous ces mots se retrouvent définis par un vieux verbe latin : colo.

Or il se trouve que le participe passé de colo est cultus, qui a donné en français le mot culture.

Je m’occupe de la culture des plantes.

Finalement, je suis un agriculteur.