Quand j’avais vingt-cinq ans, j’ai fait une formation pour devenir charpentier. On m’a montré comment savoir si une pièce de bois est bien droite. Si on les regarde de leur côté, toutes les planches se ressemblent. Il faut les regarder dans le sens de la longueur pour savoir ce qu’elles valent. Quand on met son œil au bout d’une planche et qu’on regarde vers l’autre bout, alors toutes les imperfections apparaissent. Il faut tenir sa planche comme si c’était une flèche qu’on s’apprête à lancer.
Et c’est pareil pour une flèche qui part. Quand on regarde quelqu’un tirer à l’arc, de côté, la flèche semble toujours filer droit, parfaite et précise, mais quand on est l’archer, on la voit faire une trajectoire bien moins régulière. Elle se plie, pirouette, tourne.
C’est une question de perspective.
Et en agriculture, il y a le même phénomène. Dans les champs, on peut regarder les semis dans le sens de la ligne ou du côté. En regardant du côté, on voit bien les vides, les graines qui n’ont pas germé, les zones ratées. Dans le sens de la ligne, on a toujours l’impression que le semis est bien réussi, qu’il n’y a pas de trou, que chaque graine a germé et pousse bien.
Selon l’angle, on voit des choses différentes. C’est aussi vrai sur les réseaux sociaux, et partout dans les médias. On ne vous montre que le côté le plus flatteur, et vous ne faites pas la même chose avec votre propre travail. Sans doute que sur instagram, on vous montre le semis du point de vue le plus généreux alors que chez vous, vous le regardez toujours du côté le plus révélateur.
Soyez prudent et surtout, ne faites ni l’erreur de toujours regarder d’un point de vue ou de l’autre. Si vous regardez toujours votre flèche du côté, vous serez trop fier de vous. Si vous la regardez toujours dans son sens, vous serez désespéré.
Il faut regarder de tous les côtés possibles. Il faut explorer tous les horizons, et voir quand on a bien fait et quand on a mal fait. Il faut être honnête et réel. Il faut mettre en place des systèmes, mesurer les choses pour ne pas se laisser avoir par sa subjectivité. Qu’importe si la flèche plie et louvoie, l’essentiel est qu’elle atteigne la cible.