L’autre jour, je travaillais au jardin. Je me demandais comment augmenter encore mes revenus et comment améliorer encore mes conditions de travail.
Je gagne déjà bien ma vie, surtout pour un agriculteur. Mais j’ai envie de gagner encore plus. Ma qualité de vie est déjà excellente. Mais j’ai envie qu’elle soit encore meilleure.
Et pour y parvenir, je peux soit produire plus, soit vendre plus cher.
Vous avez déjà remarqué que les plantes au jardin font soit des racines, soit des parties aériennes, mais jamais les deux ?
Il y a les carottes et il y a le persil.
Il y a la betterave et il y a la bette.
Il y a le navet et il y a le chou.
Il y a la tomate et il y a la pomme de terre.
Tous ces couples sont deux espèces des mêmes familles (les apiacées, les chénopodiacées, les brassicacées et les solanacées), mais chacun est spécialisé dans la partie souterraine ou dans la partie aérienne. Apparemment, il n’est pas possible pour une plante d’offrir les deux à la fois, des bonnes racines et de bons fruits.
Dans une ferme, il existe une dynamique similaire : soit une ferme produit beaucoup, soit elle vend cher.
Si elle produit beaucoup, elle fait des économies d’échelle et produit beaucoup pour pas cher, mais elle a besoin de trouver beaucoup de clients à qui tout vendre et les prix baissent. Elle a de grandes racines et une petite tige.
Si elle vend cher, elle n’a pas besoin de produire beaucoup, mais elle doit se différencier pour avoir un produit original, rare et difficile à produire. Elle doit aussi consacrer beaucoup de temps et d’énergie à la vente et au marketing. Elle a beaucoup de tiges et de feuilles, mais de petites racines.
Ces deux activités, vendre et produire, sont aussi opposées chez les humains que l’est la production de racines et de fruits chez les végétaux. Nous sommes comme les plantes, soit racine, soit tige. Désolé de vous décevoir, mais on ne peut pas complètement changer sa nature. Deux types d’individus s’opposent: ceux qui peuvent produire et ceux qui peuvent vendre (deux types qui se regardent d’ailleurs toujours en chien de faïence).
L’idéal ne serait-il pas de produire beaucoup ET de vendre cher ?
Impossible me direz vous ! Tu l’as dit toi-même, on est comme les plantes : grosses racines ou gros fruit, mais pas les deux.
C’est sans compter sur l’existence improbable de la POMATE.
La pomate est une plante qui produit des tomates dans les airs ET des patates dans les racines.
Le meilleur des deux mondes.
Mais attention, la pomate n’est pas une plante comme les autres : c’est une plante greffée. Pour faire une pomate, on prend une racine de pomme de terre et on lui greffe une tige de tomates. C’est possible.
Qu’est-ce que ça nous apprend ?
Il faut trouver les qualités dont on manque. Il faut se les greffer.
Si on sait vendre, il faut trouver un moyen de produire.
Si on sait produire, il faut trouver un moyen de vendre.
Et c’est possible. On peut se greffer ce qui n’est pas naturel.
On peut apprendre à aimer le marketing. On peut apprendre à aimer la production.
Si on se base sur notre nature et qu’on sait apprendre à développer ce dont on manque, on peut devenir comme une plante idéale, aux racines et aux tiges développées.
Et c’est ainsi qu’on peut faire le métier que l’on choisit, comme on choisit de le faire. C’est avec cette attitude, parce que vendre pour moi est facile et que j’ai décidé d’apprendre à produire, que je peux travailler dans un jardin qui me ressemble.
Mon jardin fait 500 m2, je travaille à la main, je produis une grande diversité de végétaux : des fleurs, des légumes. La serre où je produis mes micro-pousses fait 13 m2, j’y produis 100 000 € par an.
Je suis où je veux, je gagne ce que je veux. Je suis tige et racine. Je suis producteur et je suis vendeur. Je suis riche et heureux.
Je suis une pomate..